Douga, Genga, Layout & Cellulo

Dans les bâtiments de la slamsOft Corp, nous possédons une galerie réservée à une collection un peu particulière et peu commune.
Il s’agit de crayonnés et de celluloïds originaux issus de l’animation japonaise. Ces dessins réalisés à la main sont appelés Storyboard, Douga, Genga, Layout ou encore Cellulo. Ils correspondent à des étapes bien précises de la production d’un dessin animé et contribuent à donner vie aux personnages d’une série ou d’un long métrage.

L’animation à « l’ancienne »

Dans l’animation traditionnelle, chaque image est dessinée à la main. Cela implique de réaliser, pour 1 seconde de film, 24 dessins qui décomposent le mouvement que l’on souhaite voir apparaitre à l’écran. Mais ce chiffre peut plus ou moins varier.

 

 

Afin d’éviter un travail trop laborieux en redessinant la scène en entier sur chaque feuille, on utilise une feuille de plastique transparente d’acétate de cellulose, appelée Cell, Cellulo ou Celluloïd. Ainsi, en dessinant un personnage sur cette feuille et en la plaçant ensuite devant un décor, on peut facilement créer une animation sans avoir à redessiner le décor à chaque fois. Pour cela, il suffit de dessiner l’ensemble des poses qui constitue le mouvement du personnage sur différents Cellulo et de les faire s’enchaîner dans le bon ordre en les superposant au background.

Finalement, c’est exactement le même principe que les calques utilisés sur Photoshop ou After Effect (pour ceux qui connaissent). Cela permet donc de superposer plusieurs couches de Cellulo et ainsi d’animer plusieurs plans.
Mais avant d’en arriver là, il y a du TAF…

Story-board

La première chose à faire, une fois que le scénario est achevé, c’est de créer le Story-board. Celui-ci grâce à des dessins très sommaires, voir des esquisses, va résumer l’histoire et orienter toute la suite du travail. Il précise par exemple le nombre de Scènes et de Cut (Les Cut correspondent aux changements de plan), ainsi que le déplacement des personnages, des caméras, les dialogues et effets sonores.
Du coup, de nombreuses annotations peuvent accompagner chaque dessin du Story-board et apportent toutes les informations utiles que le Story-Boarder aura jugé nécessaire de préciser.
En général, c’est le réalisateur ou le directeur de l’animation  qui crée le Story-board.

Cowboy Bebop: The Movie storyboards

 

Layout

Pour l’étape suivante, celle du Layout, l’on fait appel aux animateurs clés. Ceux-ci vont réaliser une illustration plus détaillée de chaque Cut afin de préciser d’avantage les choses et de faciliter le travail des animateurs. Ce travail va permettre de concrétiser le Story-board en y intégrant davantage d’informations. Le Layout est donc une cartographie détaillée de chaque plan et permet à chaque service artistique de travailler simultanément et de manière plus efficace.

Pour les Eggs de la slamsOft Corp, les Layout sont les petits chouchous de notre collection!

Tandis que le Story-board s’attache à traduire le cadrage souhaité dans les différents plans ainsi que les raccords et mouvements de caméra (et de personnages) prévus, le Layout s’attache quand à lui à indiquer pour chaque plan quels éléments devront être dessinés sur celluloïd. Le Layout donne également des indications très précises sur la manière dont les éléments mouvants placés sur celluloïds devront être animés (mouvement, direction, vitesse) ainsi que des indications sur la lumière.

Exposition art ludique le musée
Les secrets du Layout pour comprendre l’animation de Takahata & Miyazaki


Layout du studio GHIBLI (légèrement trafiqué 😉 ) issu du film « Le voyage de Chihiro »

 

Dans le Layout ci-dessus, l’on peut distinguer dans la partie supérieur les perforations désignées par le terme anglais « Peg Holes« . Elles servent à garder les feuilles, sur lesquelles les animateurs travaillent, parfaitement alignées. Ces perforations permettaient aussi, avant l’aire du numérique, de maintenir les Celluloïds également alignés pendant que la caméra les photographiait.

Dans le coin supérieur droit, l’on peut voir le numéro du plan noté à coté du « C.«  (pour CUT) et le temps en secondes à coté du « TIME« . Nous pouvons voir qu’il n’y a aucune annotation à coté du « S.« , mais il s’agit d’une spécificité des films de Hayao Miyazaki, qui ne précisait pas le numéro de la Scène sur ses Layout.

La feuille d’un Layout intègre également deux cadres. Le cadre intérieur détermine une zone de sécurité appelé « Safe Frame » qui assure que cette partie de l’image sera toujours visible, malgré les différents formats d’écran. Cela implique que tout ce qui est important en terme d’animation ou de scénario, doit être contenu dans ce cadre.

Outre les petites notes en japonais, que nous serions bien incapable de traduire à la slamsOft Corp, on peut voir dans les indications en caractères latins, une information au dessus du grand cadre concernant le sens et le défilement du Background noté « BG« . On peut également voir le terme « BOOK » inscrit sur la banquette du train dans lequel voyage Chihiro. Ce terme désigne les éléments du décor qui ne seront pas dessinés sur la feuille de Background. Ici le Background sera représenté par le paysage qui défile en arrière plan et l’intérieur du train sera, quant à lui, dessiné sur un Cellulo à part.

Tentative de décorticage du Cut 1163B du voyage de Chihiro

Ensuite le directeur de l’animation assure la correction des Layout et transmet les modifications apportées sur une feuille de papier jaune (il me semble).

Genga & Douga

Une fois les Layout corrigés et validés par le directeur de l’animation, les animateurs vont pouvoir commencer la production des Genga. Ce travail consiste à réaliser l’ensemble des poses clés de chaque personnage dans chaque séquence, afin de donner une idée de ce que sera l’animation finale. Les traits du dessin commencent à s’affiner.


Layout R361 & Genga Black Jack ( collection SlamsOft Corp 🙂 ) TEZUKA production

On peut voir ici, le travail effectué pour passer du Layout (à gauche) au Genga (à droite) sur des pièces issues (et nous en sommes très fier), de la collection personnelle de la slamsOft Corp.

Avec cette étape, l’animation commence à se préciser, mais la production des Celluloïd n’est pas encore venue, car il reste une dernière tâche à accomplir.

Une collection de Genga Animés issue de l’excellente série Space Dandy. Non vous ne laguez pas 🙂

L’équipe doit maintenant produire les dessins d’animation entre chacune des poses clés précédemment réalisées. Pour ce travail, l’on fait appel aux intervallistes. Ces animateurs vont donc dessiner grâce à une table rétro éclairé, ce que l’on appel des Douga (et il y en a beaucoup à faire), qui sont une version crayonné très précise de ce que doit être l’animation entre deux Genga (les fameuses poses clef). Il est nécessaire que leur réalisation soit impeccable, car ce sont eux qui vont servir de modèles aux Celluloïd.

Si les intervallistes ont beaucoup de Taf qui les attend, le travail des animateurs n’est pas terminé pour autant, car ils doivent refaire les poses clés qu’ils ont réalisées de manière plus précise, pour en faire des Douga. En général ces dessins ouvrent et ferment un Cut, mais bien souvent ils doivent également réaliser un certain nombre de Douga, qui sont considérés comme d’autres poses clés, à l’intérieur de ce même Cut.

Vous pouvez voir ci-dessous un Douga (à gauche) et le Celluloïd qui lui est associé (à droite).
A noter que la slamsOft Corp a assemblé pour les besoins de ce montage deux Douga (un pour chaque personnages) normalement séparés, sur un seul et même support.

Douga & Cellulo Black Jack ( Toujours collection SlamsOft Corp 🙂 ) TEZUKA production

Celluloïd

Une fois les Douga achevés et validés, on les décalque sur une feuille transparente, appelée Celluloïd, Cell ou encore Cellulo.

Grâce aux « Peg Holes » (que l’on peut voir en place sur le bureau de l’image ci-contre), chaque Douga va pouvoir être reproduit à l’identique, par une personne chargée de tracer les contours du dessin à l’encre noir.

On applique ensuite, sur le verso du Cellulo,  la couleur avec des couches de peinture superposées. Peindre sur le verso présente des avantages, car cela permet d’une part de masquer les débordements sur la partie encrée qui peuvent survenir, mais cela permet également de donner à la peinture un aspect parfaitement lisse sur le coté recto du Celluloïd.

 

Cellulo Black Jack TEZUKA production

Et voilà! Une fois l’étape de l’application de la couleur et le séchage terminé, il ne reste plus qu’à photographier un par un chaque Celluloïd devant le Background qui lui est associé et le tour est joué.

L’animation à la main avait révolutionnée le cinéma en son temps. Mais aujourd’hui les méthodes de productions ont bien changées et le numérique permet de réduire les coûts et de gagner un temps précieux. La Japanimation n’échappe pas à ce phénomène. Ce qui est bien naturel, car actuellement, le financement et la réalisation d’un projet impliquent bien souvent des cadences infernales. Il faut donc faire au plus court et au moins cher…
Grâce aux outils informatiques, permettant une vitesse de production très élevée, le nombre des contenus animés, s’est véritablement démultiplié sur nos écrans. Il semble donc que ce secteur se porte très bien. C’est une bonne nouvelle pour les consommateurs qui peuvent accéder à un très large choix de films et de séries, si l’on considère que la vitesse de production n’a pas de conséquence sur la qualité.
En revanche, pour les collectionneurs de crayonnés et de Cellulo, l’avenir est plus sombre… Car ceux-ci se font de plus en plus rare et seront de plus en plus impossible à dénicher…

La slamsOft Corp vous remercie de votre visite. Nous espérons que vous avez passé un agréable moment dans notre Tube dédié à l’animation Japonaise traditionnelle. Nous vous laissons en compagnie de Miyazaki et Takahata dans la vidéo promotionnelle de l’exposition qui a déclenché, au sein de la slamsOft Corp, la fièvre des crayonnés 🙂

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